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Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?

Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?[1]

Des outils pour une critique de la culture ?

Le livre de J.M. Schaefffer débute par quelques remarques à propos des discours que l’on a coutume d’entendre sur le monde virtuel qui serait né avec les technologies numériques, monde dont nous faisons l’expérience dans les « jeux vidéos » par exemple. Que ces discours soient critiques ou laudatifs, ils s’entendent, semble-t-il, sur le constat selon lequel la « réalité virtuelle » ainsi apparue serait radicalement nouvelle dans sa nature, et se distinguerait donc aussi bien de ce que l’on nomme la réalité que des univers fictionnels traditionnels (tels que ceux qui sont crées dans la fiction littéraire, ou bien cinématographique). A partir de ce consensus, les uns font l’éloge des possibilités ouvertes par cette nouvelle réalité, les autres s’inquiètent de l’importance qu’elle prend dans nos vies, y voyant le règne du simulacre et de l’illusion. J.M. Schaeffer retrouve dans cette dernière position les traits que souligne toute une tradition opposée aux produits de l’imagination, ce depuis Platon. C’est alors l’occasion pour lui de poser et son désaccord et dans quel sens sa réflexion va aller dans cet ouvrage. Contre les apôtres de la réalité virtuelle et contre ses contempteurs, il pose qu’une héroïne de jeu vidéo comme Lara Croft n’a pas un statut ontologique différent de celui de Mme Bovary ou bien de celui de Superman (en bande dessinée ou en film) : ce sont là des être fictionnels, qui existent certes dans et par différents supports (la langue, le dessin, le film, le codage numérique), mais sans que cela ne change rien à leur réalité d’êtres imaginaires. Derrière la critique de la réalité virtuelle, c’est donc encore la fiction qui est soumise au soupçon, et c’est à une enquête sur la fiction que se propose de se livrer l’auteur. Le résultat de cette enquête sera double, il s’agira d’une part de montrer que la méfiance qu’elle provoque depuis Platon relève de certaines confusions, en particulier entre la fiction et le leurre, ou entre la fiction et le simulacre, confusions qui fondent alors le reproche fait à la fiction de troubler le rapport à la réalité et donc à la vérité, et qui sera écarté en montrant que la fiction implique par définition que l’univers qu’elle donne à voir n’est qu’imaginaire, et ne saurait se confondre avec la réalité pour ceux qui le considèrent (notion de feintise, ludique et/ou partagée) : le fictionnel est un fictif qui se dénonce comme tel. D’autre part, J.M. Schaeffer fera en sorte de montrer la « dignité cognitive » de la fiction, en insistant sur ses fonctions cognitives, sur sa nécessité dans le développement de certaines compétences, bref en fondant l’universalité de la fiction sur une anthropologie. En conséquence, l’ouvrage se découpe en quatre chapitres, le premier devant récapituler les critiques faites contre la fiction depuis Platon, le second consacré à dissiper les confusions en travaillant à distinguer les différentes notions afférentes à la mimèsis, le troisième prenant en charge une définition générale de la fiction à partir des distinctions précédentes, le quatrième et dernier explorant les particularités de certains « dispositifs fictionnels ».



I Les critiques de la fiction ou les thèses anti-mimétiques


Pour J.M. Schaeffer, peu ou prou, ces critiques reprennent presque toujours la forme des condamnations platoniciennes (il y aurait sans doute à redire sur la pensée de Platon telle que l’expose l’auteur, mais ce dernier pose dès le départ qu’il ne s’agit pas tant pour lui d’éclairer cette pensée que de montrer comment elle donne naissance à une tradition anti-mimétique).

L’attaque de Platon contre l’imitation est d’abord circonscrite à l’imitation des mauvais objets, par exemple d’un comportement injuste. L’imitation est alors jugée mauvaise dans la mesure où elle est un vecteur de contagion, celui qui imite étant contaminé par ce qu’il imite, ce qui est imité devient habitude et nature chez l’imitateur. Mais s’il en est ainsi, l’imitation de la vertu sera non seulement moins grave, mais même souhaitable, or il n’en est rien, car de cette première critique va naître une critique générale de l’imitation, donc une condamnation de l’imitation quel que soit son objet. En effet, la contagion dont l’imitation est le vecteur n’est pas de nature rationnelle, elle n’implique donc pas une connaissance, mais bien plutôt l’ignorance, la méconnaissance de ce qui rend le modèle beau, bon ou vertueux, ou bien laid, mauvais et injuste. L’imitation exclut la discrimination que la connaissance quant à elle rend possible, et, en conséquence, elle ne saurait rendre vertueux même si l’on imite la vertu, car on ne saura pas ce qu’il y a de vertueux dans le modèle, c’est à dire que l’on restera dans l’ignorance de l’Idée de vertu, or il ne saurait y avoir de vertu véritable que dans et par la connaissance de cette idée. Il est ici très remarquable que Platon ne distingue point une imitation ludique (le jeu de l’acteur, ou encore celui de l’enfant qui imite tel ou tel comportement) et une imitation sérieuse, alors même que la première ne semble pas impliquer une adhésion au modèle imité. C’est que pour Platon, la question ne se situe pas là, mais sur le plan de la correspondance entre gnoséologie et ontologie. L’imitation est ici soumise, quelle que soit son espèce, à la critique inhérente au fameux exemple des trois lits. Celle-ci, on le sait, concerne d’abord le peintre[2], or celui-ci, pas plus que le poète ensuite[3], ne saurait produire un lit comme le fait le menuisier, et ce parce que son art n’est que de s’attacher aux apparences, c’est à dire aux copies de copies. L’idée de lit est le modèle, intelligible, auquel se réfère le menuisier pour produire tel ou tel lit sensible, qui sera donc déjà une copie du « lit en soi », et c’est cette copie que le peintre va à son tour copier. Or, dans la mesure ou on a alors à faire avec une copie de copie, il découle que le peintre est dans l’ignorance de la nature réelle du lit, dans la méconnaissance de l’Idée, il en reste aux seules apparences, c’est à dire à une connaissance purement sensible, et encore celle du troisième rang, c’est à dire celle de l’eikasia, celle des ombres dans la caverne. On peut, d’ailleurs, se demander si c’est vraiment la connaissance de l’idée qui guide l’artisan, comme cela semble dit dans le livre X, ou bien si c’est une connaissance « droite » des lits sensibles, qui relève de la pistis, donc encore de la doxa, ce qui semble mieux correspondre aux livres VI et VII, car il faut aussi se rappeler que seul le mensonge du philosophe est pour ainsi dire sauvé (en tant qu’imitation/simulacre), ce sans doute parce qu’il est accompagné d’une connaissance véritable, or l’artisan n’est point philosophe. Quoiqu’il en soit, on voit bien dès lors que toute imitation implique l’ignorance et la soumission de l’âme à des fantasmagories. Ainsi en est-il de l’imitation par le peintre, mais tout autant de l’imitation par le poète, ou encore par l’acteur ou bien par l’enfant dans ses jeux : l’imitation est mauvaise en elle-même et par elle-même. Il est tout à fait visible, à ce stade, que c’est bel et bien ce type de critique que l’on retrouve aujourd’hui porté contre la « réalité virtuelle », puisqu’on reproche à cette dernière d’amener ses fidèles à ne plus distinguer la réalité du simulacre, ce qui revient à supposer que le simulacre se substitue à la réalité, le premier faisant écran entre le sujet et la seconde, de même que la doxa est un faux savoir qui nous tient prisonnier en détournant notre regard de ce qui est vraiment. Ainsi la forme de la critique platonicienne de l’imitation est reprise, sans même avoir recours à l’ontologie bien particulière qui la fonde. C’est tout particulièrement cette substitution du simulacre à la réalité qui sera « désamorcée », au moins en ce qui concerne la fiction, par l’analyse que propose J.M. Schaeffer dans les chapitres suivants. Il faut déjà préciser que ce « désamorçage » se fera en distinguant avec netteté la fiction (imitation ludique, feintise) et l’imitation sérieuse (qui peut certes être un leurre), l’une des pointes de la démonstration consistant à montrer que la fiction est une imitation qui se dénonce comme telle, c’est à dire qui se démarque du discours apophantique, ou de son leurre, non pas tant par sa forme sémantique que par un fonctionnement pragmatique qui dénonce d’avance toute confusion entre le fictionnel et le réel.

Il reste cependant le problème de la connaissance, car même s’il est possible de montrer que le fictionnel en tant que tel ne peut pas se substituer au réel dans l’esprit du sujet adepte de telle ou telle fiction, il n’en demeure pas moins que l’on peut toujours l’accuser d’être le parent pauvre du côté cognitif. A ce moment là, la fiction ne serait plus qu’une activité, de création ou de réception, futile, même puérile, qui ne mériterait pas un instant l’attention, et encore moins la considération, des gens sérieux. Or c’est une des thèses centrales de l’ouvrage que l’imitation est liée à des formes de connaissances fondamentales, qu’une anthropologie se doit de ne pas négliger : « la contagion mimétique est un type de connaissance, et même d’une certaine manière un type de connaissance plus fondamental que celui de la raison dialectique et de la persuasion rationnelle »[4]. Cet aspect cognitif de la mimèsis, J.M. Schaeffer l’aborde d’abord du point de vue des positions anti-mimétiques, en posant la question de la généalogie des activités de feintise ludique. Sur le plan phylogénétique, deux thèses s’affrontent ici. La première, avec par exemple Nietzsche, voudrait que la feintise sérieuse vienne en premier, en particulier sous la forme de rituels d’essence religieuse, comme par exemple la possession. La feintise ludique ne serait alors que cette feintise sérieuse, mais édulcorée, amoindrie, pour tout dire refoulée par les progrès de la rationalité et de la maîtrise de soi. Si tel est le cas, on retrouve alors une critique des activités de feintise qui repousse celles-ci dans l’archaïsme, l’irrationnel, l’obscur etc. Mais la seconde thèse en présence inverse l’ordre chronologique, en posant l’activité de feintise ludique comme première. Ainsi les anthropologues, M. Leiris par exemple, montrent qu’il faut sans doute que l’on commence par jouer la possession pour que vienne ensuite, éventuellement, la véritable possession (transition du théâtre vers le « théâtre vécu » puis vers la possession elle-même[5]). Le jeu est ici « vecteur d’immersion », il implique donc certaines facultés par lesquelles on peut se plonger dans du fictionnel, ces facultés s’actualisant dans « des compétences culturelles et psychologiques ». Il en va de même, selon l’auteur, au point de vue ontogénétique, et chez l’enfant, le jeu imitatif a une fonction pédagogique essentielle : il n’est pas une activité dérivée, encore moins futile, mais occupe une position première et fondamentale dans le développement des capacités cognitives de l’enfant.

Ce serait donc plutôt du côté d’Aristote que l’auteur penche, lorsque celui-ci affirme qu’ « imiter est naturel aux hommes »[6], et qu’il lie cette tendance naturelle au plaisir d’apprendre. Encore J.M. Schaeffer devrait-il préciser que le Stagyrite pense ici plus à une imitation par le peintre ou le poète, qui à pour tâche de rendre compte des choses comme elles sont, car il faut alors prendre soin de bien les observer avant que de les copier (il va de soi que cet éloge de l’imitation se fonde sur une ontologie bien différente de celle de Platon, puisque pour Aristote la vérité des choses ne saurait être en dehors et pour ainsi dire au-dessus d’elles, comme c’est le cas pour l’Idée). Ainsi la fiction en tant que telle n’est-elle pas thématisée par lui, ni les problèmes qui lui sont propres. A vrai dire, la lecture que fait J.M. Schaeffer d’Aristote semble assez problématique, car loin de souligner l’aspect cognitif de l’imitation dont Aristote parle dans sa Poétique, l’auteur insiste sur le fait que le problème de l’imitation est désamorcé chez le philosophe du fait que le discours du poète relève de « la modélisation à valeur généralisante », alors que le discours factuel, celui de l’historien, relève de la description du particulier. Ainsi la barrière entre l’un et l’autre discours serait stable, et aisément identifiable « autrement dit, Aristote a une confiance absolue dans l’immunisation réciproque du monde de la fiction et du monde de la réalité historique »[7], car la première ne saurait jamais passer pour un simulacre de la seconde, ni donc se substituer à elle. Il semble que l’assimilation que J.M. Schaeffer fait entre, chez Aristote, le discours d’imitation et la fiction soit un peu rapide, d’autant plus quand elle a pour conséquence l’opposition nette entre l’imitation poétique et le discours factuel. En effet, il convient de rappeler que chez Aristote, la connaissance vraie, celle qui se rapproche de la sagesse, est toujours connaissance du général[8], et que de ce point de vue, celui de la connaissance, l’art du poète est donc supérieur à l’art de l’historien[9]. Ainsi donc apparaît-il difficile d’assimiler art du poète et art fictionnel, puisque ce dernier, du point de vue référentiel, n’est connaissance de rien qui soit, donc n’a que peu d’intérêt pour Aristote, qui précise bien que le discours poétique porte sur le nécessaire, le vraisemblable ou le possible[10], alors que J.M. Schaeffer insiste sur le fait que la fiction, quant à elle, n’a pas à représenter un monde, même seulement possible, et ne prétend aucunement le faire. Pour faire court, J.M. Schaeffer semble séparer, chez Aristote, le discours poétique de la connaissance, ce qui lui permet d’affirmer que celui-ci ne saurait aucunement troubler celle-là. Cette séparation relève peut-être bien de l’anachronisme, de l’assimilation trop rapide et rétrospective entre discours poétique chez le Stagyrite et ce que nous désignons comme « littéraire » en l’opposant au « scientifique »[11]. Ainsi l’intéressant serait peut-être plus dans le lien, chez Aristote, entre discours du poète et connaissance que dans cette éventuelle barrière stable érigée entre discours de fiction et discours factuel : l’imitation poétique n’est pas dangereuse car elle constitue d’emblée une connaissance des choses qui a sa dignité, et non pas parce qu’elle est coupée nettement du discours factuel comme le prétend J.M. Schaeffer. Quoiqu’il en soit, il est vrai que Platon soulève un problème qui reste ignoré de son élève, à savoir celui « d’une possible contamination de la réalité par l’imitation, la feintise »[12]. En effet, Aristote, comme il a été dit plus haut, ne conçoit pas l’œuvre poétique comme pouvant nous plonger dans l’ignorance et la fantasmagorie, ce puisqu’elle est pour lui une forme de connaissance (il faudrait cependant ici s’interroger sur l’œuvre du mauvais poète), or le problème est réel, et si pour cerner la fiction, il faut donc à la fois accorder de l’attention aux soupçons de Platon, et garder l’idée aristotélicienne d’une fonction cognitive de l’imitation, bref penser une possible ambivalence de la fiction. Le chapitre suivant a pour tâche de démêler ces questions en procédant à un certain nombre de distinctions, et en essayant de dégager les fonctions cognitives en jeu dans la fiction.


II Distinctions dans la mimèsis : imiter, feindre, représenter, connaître.


Il y a un lien évident entre la notions de fiction et celle de mimèsis, la première étant pour ainsi dire un mode de la seconde. Or J.M. Schaeffer remarque que la plus grande confusion règne quant à celle-ci, ce qui ne manque pas aussi d’obscurcir l’autre. En particulier, la notion de mimèsis donne lieu à beaucoup de difficultés dans le cadre de la réflexion sur les arts, or elle déborde largement ce cadre, et touche en premier des aspects beaucoup plus fondamentaux, par exemple dans le monde animal. L’auteur choisit donc d’étudier la mimèsis en reprenant tout depuis le départ, et donc en partant des résultats de sciences telles que l’éthologie ou la psychologie. Ce choix méthodique, outre la clarté qu’il doit créer sur la question, aura pour intérêt d’envisager les éléments qui rendent possible la fiction, qui est une « combinaison d’un ensemble d’aptitudes cognitives, d’attitudes mentales ou d’activités psychiques plus élémentaires »[13]. On remarque donc que, d’ores et déjà, l’auteur aborde son programme d’une anthropologie de l’aptitude fictionnelle.


Pour commencer, il s’agit de faire un inventaire des activités qui impliquent le mimétisme. Dans une rapide synthèse[14], l’auteur distingue trois sortes de faits mimétiques, classés en distinguant la relation que l’imitation entretient avec son modèle :

  • Ceux qui relèvent de « l’imitation au sens technique du terme », dans la mesure où il s’agit de produire quelque chose qui ressemble à autre chose. Cette imitation implique une réinstanciation de ce qui est imité. Par exemple, l’élève artisan qui reproduit les gestes de son maître, et ce non dans le but de reproduire seulement une apparence.

  • Ceux qui relèvent de la feintise. Au contraire du premier groupe, il ne s’agit là que de reproduire une apparence, et l’exemple type est celui de la mimicry, ainsi du caméléon. Dans le monde animal en particulier, la mimèsis implique ici le leurre.

  • Ceux qui relèvent de la représentation (relation d’isomorphisme entre une réalité et une représentation mentale ou symbolique).


Ces trois classes de faits mimétiques vont être examinées une par une dans les sous chapitres qui suivent, ce afin de bien les cerner, c’est à dire de bien cerner l’imitation, la feintise, la représentation, de les distinguer par la même occasion, et de voir comment elles s’articulent pour donner éventuellement la fiction.


  1. L’imitation doit être située par rapport à la simple ressemblance, car si la ressemblance est une condition nécessaire pour que l’on puisse parler d’imitation, elle n’en est pas une condition suffisante. En effet, pour pouvoir dire qu’un objet b imite un objet a, il faut que les traits x, y, z de ce dernier soient les causes des traits x’, y’, z’ de l’objet b, qui ressemblent aux traits de l’objet a. Il ne suffit donc pas qu’il y ait ressemblance pour que l’on puisse parler d’imitation, il faut encore une relation par laquelle le modèle est cause de la copie. En outre, cette relation de causalité qui spécifie l’imitation par rapport à la ressemblance en général peut être soit fonctionnelle, soit intentionnelle. Dans la mimicry animale, cette relation est fonctionnelle, dans le mensonge (humain), elle est intentionnelle. L’imitation fonctionnelle est laissée de côté par l’auteur, dans la mesure où il lui semble clair que c’est l’imitation intentionnelle qui intervient dans la fiction.

  2. La feintise est dans la même relation à l’imitation que celle-ci à la ressemblance, car si toute feintise implique l’imitation, toute imitation n’implique pas la feintise. L’imitation est un outil qui peut servir à diverses fins, la feintise étant l’une d’elles. Elle correspond à la production d’un simulacre, d’une apparence qui se fait passer pour la chose elle-même en l’imitant (leurre). Alors que dans l’imitation-réinstanciation, le produit de l’imitation est de la même classe ontologique que ce qui est imité, l’imitation-feintise correspond à une imitation de surface, et son produit est donc d’une classe ontologique différente de ce qui est imité. Sans doute retrouve-t-on là l’une des sources de la méfiance de Platon quant à l’imitation, or la fiction relève de la feintise. Cependant, la suite de l’ouvrage insistera sur l’aspect ludique et/ou partagé de la feintise fictionnelle, c’est à dire sur l’auto-désamorçage du leurre qui entre en jeu dès qu’il s’agit de fiction.

  3. La représentation mimétique est une espèce de représentation qui se définit par l’exploitation des relations de similarités entre le signe et ce qu’il représente. L’imitation a ici pour fonction de produire un signe qui ressemblerait à une chose et qui servirait à transmettre des informations sur elle, ces informations étant contenues dans les similarités entre le signe et la chose. Ainsi, « le signe nous informe sur la chose à laquelle il renvoie grâce à la relation de ressemblance qui le lie à elle »[15]. Il est important de noter que le signe doit être pris comme signe, ce qui implique que la ressemblance avec la chose doit être interprétée comme une information sur la chose : il y a donc bel et bien représentation et non pas simplement similarité. Il en découle que la relation de ressemblance n’est pas nécessairement une relation de représentation mimétique, pour qu’elle le devienne (condition nécessaire mais non suffisante), il faut encore qu’une « stipulation sociale » la dote de cette fonction (convention), c’est à dire fasse de la copie un signe. Par exemple, le jeu de l’acteur ne représente pas l’action de Hamlet parce qu’il ressemble à cette action, mais c’est parce qu’il la représente (convention) que le spectateur peut remonter du jeu théâtral à l’action de Hamlet, en lisant le signe, c’est à dire en interprétant une ressemblance socialement stipulée comme devant l’être (interprétée). La ressemblance n’est donc pas une représentation en elle-même et par elle-même, mais un moyen de représentation, celui dont use la représentation mimétique. Il y a donc ici une double distinction, en ce que d’une part toute représentation n’est pas mimétique, c’est à dire ne construit pas ces signes en imitant la chose représentée (distinction entre représentation en général et représentation mimétique), et d’autre par en ce que toute ressemblance n’implique pas une représentation (distinction entre ressemblance en général et représentation mimétique). Un exemple de représentation mimétique serait la relation entre la carte et le territoire.



Toutes ces distinctions faites, et l’ensemble des faits d’imitation passé en revue, il s’agit ensuite pour J.M. Schaeffer d’en tirer des conclusions quant aux vertus cognitives de l’imitation[16].

Il s’avère que les connaissances produites par l’imitation « sont intériorisées en bloc par immersion, en dehors de tout contrôle immédiat exercé par le contexte environnemental ou par l’instance de calcul rationnel ». De même, elles sont mises en œuvre spontanément, en réaction à un contexte pertinent, toujours sans l’intervention d’un calcul conscient et rationnel. Il existe donc selon J.M. Schaeffer quatre « types canoniques d’apprentissage » :

  • la transmission culturelle de savoirs explicites

  • l’apprentissage individuel par essai et erreur

  • le calcul rationnel

  • l’apprentissage par imitation

Ce dernier est dans l’ensemble négligé, voire méprisé, par la tradition rationaliste, du fait que ses processus ne sont pas exploitables pour une abstraction réfléchie qui aurait pour but la production de règles ou de raisonnements. On retrouve ici l’opposition entre Platon et Aristote, cette fois-ci au niveau de l’opposition entre une éthique de la règle et une éthique de la vertu, opposition épistémologique qui explique le mépris du premier pour l’imitation. Pourtant, l’auteur souligne l’importance de l’apprentissage par imitation, qui occupe une fonction quasi universelle , ainsi que l’on peut le constater si on regarde combien l’imitation a d’importance chez l’enfant. De fait, l’apprentissage par imitation semble être un des apprentissages les plus fondamentaux, et en tant que tel jouer un rôle des plus décisifs[17]. Cependant, il se pose la question de savoir si ce qui vaut pour l’imitation-réinstanciation vaut également pour la fiction. Puisque cette dernière relève, pour le moment dans l’analyse, de la feintise, donc de l’imitation de surface, il semble bien que ses vertus cognitives doivent s’en retrouver moindres. Cette question sera abordée dans le chapitre suivant, mais l’auteur précise d’ores et déjà qu’une pure imitation de surface, dans les faits humains examinés, n’existe pas. Ainsi, lorsque l’enfant joue en imitant l’adulte, quelque chose du comportement de l’adulte est assimilé. Mais si cela est valable pour celui qui imite, la question reste entière des vertus cognitives de la feintise pour celui qui est spectateur, et nous savons que c’est là l’un des points sur lequel insiste Platon, et cette question se pose avec une grande acuité lorsqu’il s’agit du consommateur de la fiction. Or J.M. Schaeffer précise déjà une piste, selon laquelle, dans la fiction, ce n’est pas la feintise pour la feintise qui attire (le producteur ou le consommateur), mais l’univers fictionnel auquel elle donne accès en rendant possible l’immersion. La question devient alors celle de la « modélisation fictionnelle », de sa réactivation par le consommateur de fiction.


III Ce qu’est la fiction.


Dans sa démarche d’analyse et de distinction, l’auteur s’attache maintenant, pour commencer d’envisager la fiction en elle-même, à faire la part entre feintise et fiction. Pour ce faire, il part d’un exemple central, celui d’un livre de W. Hildesheimer, Marbot, une biographie. Il se trouve que ce Marbot est un personnage purement fictif, et ce serait donc là un livre de fiction, pourtant l’analyse montre qu’il ne pouvait fonctionner comme fiction, et tel fut le cas puisque les lecteurs l’ont reçu comme une biographie « normale ». Pourquoi cet ouvrage a-t-il fonctionné comme un leurre et non pas comme une fiction[18] ? ; telle est la question qui doit permettre ici de départager feintise et fiction. Marbot doit nous montrer « a contrario quelles sont les conditions pour que le dispositif fictionnel puisse fonctionner »[19]. Or, J.M. Schaeffer note que le fonctionnement fictionnel dépend ici de trois choses :

  • le contexte auctorial (ce par et pour quoi l’auteur est connu du lecteur, en l’occurrence Hildesheimer était connu pour sa biographie de Mozart)

  • le paratexte (les indications en marge du texte lui-même, comme par exemple le titre, l’édition…)

  • la mimésis formelle (c’est à dire l’imitation énonciative d’une espèce d’énoncé, ici la biographie, mais le plus souvent le récit, par exemple de faits vécus)

Le résultat de l’enquête montre que l’intention fictionnelle n’est pas suffisante pour qu’une fiction fonctionne comme telle. En effet, dans le cas de Marbot, la « composante mimétique est poussée trop loin » pour que le texte soit reçu comme une fiction. Cela montre que, d’une part, la fiction se distingue du leurre en ce qu’elle fonctionne différemment, puisque le lecteur doit savoir qu’il va lire une fiction pour que cela soit reçu comme tel ; d’autre part que ce fonctionnement, et la différence qu’il induit, se situe sur le plan pragmatique[20], est de nature « illocutoire », dans la mesure où cette différence entre le leurre et la fiction se fait au niveau d’une réception déterminée par un contexte. En ce sens, l’imitation ne suffit pas à définir la fiction, puisqu’elle ne suffit pas à la distinguer de la feintise-leurre. Le problème, dans Marbot, c’est que l’imitation a contaminé le cadre pragmatique de la réception, et c’est pourquoi l’on passe de la fiction au leurre. En conséquence, s’il est vrai que la fiction use de l’imitation et de la feintise, elle se distingue du leurre, et il faut donc examiner en quoi la feintise fictionnelle se sépare de la « feintise qui leurre », ce qui amène l’auteur à parler de feintise ludique et de feintise partagée pour bien marquer la différence de la feintise fictionnelle.


Si on persiste à décrire Marbot comme une fiction, on donne raison à Platon et à sa méfiance envers la fiction et les poètes, car, en effet, la première se substitue à la réalité, mais toute l’analyse consiste à montrer que ce n’est pas le cas dans la fiction, et que, donc, l’ouvrage de Hildesheimer échoue à constituer une fiction[21]. Puisque le fonctionnement pragmatique de la fiction ne vise pas un effet de leurre (mensonge), l’auteur en conclut que l’effet recherché est celui de l’immersion fictionnelle, et il convient donc de parler de feintise partagée dans la mesure où, de par ce fonctionnement de la fiction, le producteur de celle-ci fait en sorte de partager avec les récepteurs un univers fictionnel pensé comme tel par tous les protagonistes. Cette feintise partagée propre à la fiction est une feintise qui ne leurre pas, mais alors se pose la question de penser plus précisément les relations entre fiction, feintise et leurre. Pour l’auteur, la confusion vient du fait que fiction et feintise-leurre utilise le même moyen, l’imitation-semblant, mais d’une manière différente et en vue d’une fin différente. Dans un cas, l’imitation sert à rendre possible l’accession à un univers imaginaire identifié comme tel, dans l’autre, elle reste non-avouée et met le récepteur en situation d’être leurré, de prendre le fictif pour du réel. Ainsi faut-il distinguer fiction, mensonge et erreur. Par exemple, le mythe n’est point une fiction, comme le veut une tradition « positiviste », pas non plus un mensonge, mais si l’on veut une erreur partagée. Ces distinctions ont le mérite de bien situer ce qui constitue la fiction, et de faire voir, rétrospectivement, quel fourre-tout cette notion pouvait être dans la multiplicité de ces usages.

Ce qui vient d’être dit sur la fonction de la feintise dans la fiction, celle de vecteur d’immersion, n’est cependant pas suffisant. J.M. Schaeffer insiste encore sur un autre aspect, essentiel : la fiction veut l’immersion dans une univers imaginaire, et relève donc de la représentation (de cet univers). Or, selon l’auteur, il n’existe pas plusieurs modalités de représentation, par exemple l’une fictionnelle, l’autre référentielle, mais une seule, en ce que la posture générale de la représentation implique que des contenus soient posés, ce qui revient à dire qu’une chose ne peut être représentée comme inexistante. La fiction doit donc faire comme si ce qu’elle représente existait, puisque c’est là une nécessité inscrite dans l’acte même de représenter, ce qui rend nécessaire la dimension de la feintise dans la fiction : « (…) c’est parce que l’invention fictionnelle ne peut construire son univers qu’en utilisant la structure représentationnelle canonique et qu’en même temps elle met hors circuit la question de la référence transcendante (…) qu’elle ne peut pas ne pas comporter un élément de « comme si », de feintise »[22].

Mais comment cette mise hors circuit de la référence est-elle possible alors même que la représentation manifeste une intentionnalité nécessaire ? Il a été dit que cela se faisait au niveau pragmatique et non pas sémantique, mais il faut décrire le fonctionnement de cette mise hors circuit, expliquer comment on peut se prendre à quelque chose qui est posé dans une représentation et dans le même temps qui est posé comme non existant. Pour se faire, J.M. Schaeffer propose de distinguer, dans la réception, un niveau attentionnel et un niveau préattentionnel. Le premier niveau est celui de la conscience, le récepteur sait, du fait du cadre pragmatique, que c’est là une fiction, que ce sont des choses imaginaires qu’on lui représente. Cependant, le « module préattentionnel » est trompé par la fiction, ce qui veut dire que la feintise ludique et partagée n’est pas incompatible avec l’existence de leurres fonctionnels, bien au contraire, mais ces leurres ne fonctionnent qu’à un niveau préattentionnel (« réflexe » pour simplifier) : « Il se pourrait que le créateur de fiction, bien qu’il n’ait nullement la volonté de nous tromper, ne puisse nous amener à adopter l’attitude d’immersion mimétique que dans la mesure où il réussit à leurrer notre module représentationnel préattentionnel »[23]. La fiction fonctionne donc à partir d’une dissociation entre le préattentionnel et l’attentionnel, qui le reste du temps fonctionnent ensemble (s’il y a le feu, je ne reste pas comme spectateur, alors que dans la fiction, la peur du feu est présente et ressentie, mais je demeure là, prenant plaisir aux émotions ressenties, sans avoir à agir en conséquence[24] : dissociation). A ce propos, J.M. Schaeffer fait l’hypothèse que la fiction n’est pas « une excroissance parasitaire d’un rapport au réel qui serait une donnée originaire »[25]. Bien au contraire, elle aurait pour fonction de nous faire bien séparer ce qui relève de notre imaginaire et ce qui n’en relève pas, le réel, et permettrait donc la constitution de ce dernier comme tel pour nous. La formation de la compétence fictionnelle serait donc fondamentale et originaire, et impliquerait « l’établissement d’une structure épistémique stable », ce qui est déjà bien suffisant pour parler de vertu cognitive de l’activité fictionnelle, ainsi que de sa dimension universelle et de son importance pour une anthropologie.

Il est maintenant possible d’en revenir à la question posée plus haut du gain cognitif possible non seulement chez le créateur mais surtout chez le récepteur de la fiction. Ce qui précède montre que l’immersion fictionnelle, donc le fonctionnement de la fiction, sont rendus possibles par une capacité du récepteur à se représenter un univers et dans une certaine mesure à être leurré par celui-ci (au niveau préattentionnel), ce qui implique une représentation « crédible ». En conséquence, « la compétence active et la compétence réceptive sont les deux faces d’une même réalité »[26], car la capacité à s’immerger dans une fiction dépend de la capacité de produire soi-même des univers imaginaires. Le récepteur doit réactiver l’univers imaginaire que lui propose le créateur, et il ne saurait donc rester passif, mais au contraire doit procéder à une recréation. Les « gains cognitifs » sont donc présents aussi bien chez le producteur que chez le récepteur, n’en déplaise à Platon.


Puisque c’est la représentation d’un univers fictif, et l’immersion dans cet univers, qui font la fiction, selon les modalités exposées plus haut, il convient désormais de s’intéresser à cette représentation elle-même, c’est à dire à la « modélisation fictionnelle », ce qui fait l’objet de la dernière partie du chapitre III consacré à la fiction en elle-même. C’est là, également, que les vertus cognitives de l’activité fictionnelle recevront leur juste place.

La question centrale que pose ici l’auteur est celle de la définition de la fiction : faut-il en retenir une définition sémantique ou bien une définition pragmatique ? J.M. Schaeffer commence par montrer l’échec des possibles définitions sémantiques. Dans les termes de la sémantique, la question de la définition de la fiction devient celle d’une référentialité qui lui serait propre et qui permettrait donc de la distinguer d’autres formes de discours. Au contraire, une définition pragmatique, telle que celle défendue par Searle, pose que la fiction n’est pas définie par une référentialité particulière, mais par l’usage spécifique que l’on fait de représentations qui, par ailleurs, en elles-mêmes, ne se distinguent pas par une nature différente.

De point de vue sémantique, une des fonctions principales des énoncés est de référer au monde. Le problème de la fiction réside dans le fait que ses énoncés sont descriptifs, mais décrivent des choses qui n’existent pas, du moins pas au sens où le monde existe. Deux solutions s’offrent alors : soit on suppose une certaine existence des référents fictionnels (ontologie), soit, simplement, on définit la fiction par la dénotation nulle. C’est cette dernière option qui est la plus classique, ainsi chez Frege, pour qui les énoncés fictionnels ont un sens, mais pas de dénotation[27]. Or la vérité, donc la connaissance, est strictement associée par Frege à la dénotation, et il ne saurait donc y avoir dans la fiction un espace cognitif propre. De plus, on se demande alors sur quoi pourrait bien reposer ce sens en l’absence de toute dénotation, ce qui rendrait tout à fait problématique cette notion proposée par Frege. Pour résoudre ce dernier problème, trois axes ont été explorés dans l’histoire de la pensée :

  • Il est d’abord possible de réduire tout sens à la dénotation, et c’est l’option choisie par Carnap dans un positivisme assez radical (la dénotation étant elle-même définie par une vérifiabilité empirique). Dans ce cadre, les énoncés fictionnels n’ont pas plus de sens que ceux de la métaphysique[28], et la conséquence est donc la même que chez Frege : « la fiction ne saurait être un opérateur cognitif »[29].

  • La seconde option est incarnée par la pensée de Goodman, et elle consiste à garder la dénotation nulle tout en élargissant la notion de référence pour montrer que la dénotation littérale n’en est qu’une espèce, et non point la seule. Ainsi Goodman pose-t-il qu’il y a aussi des dénotations métaphoriques, et même une référentialité non dénotationnelle. Pour expliquer la dénotation métaphorique, on peu prendre l’exemple de Don Quichotte, qui ne réfère certes pas à un personnage réel (dénotation littérale nulle), mais à tout un ensemble de personnes réelles qui sont adéquatement décrites dans ce personnage de roman. Pour ce qui est de la référentialité non dénotationnelle, Goodman évoque les relations d’exemplification et d’expression. Ainsi, un individu exemplaire fait référence à la classe d’individus dont il est l’exemple. Cette option ne satisfait pas J.M. Schaeffer pour différentes raisons, et en particulier parce qu’elle ne saurait saisir la spécificité de la fiction parmi les différentes formes de productions esthétiques, en particulier parce qu’elle « oublie » la question de la feintise, qu’elle ne saurait donc rendre compte de la modélisation fictionnelle, ce qui n’est pas étonnant si l’on se souvient que, dès le départ, Goodman accepte la thèse de la dénotation nulle.

  • La troisième option, plutôt que d’étendre la notion de référentialité, cherche à étendre l’ensemble des objets susceptibles de constituer les référents d’une dénotation littérale. Il s’agit donc de donner un statut ontologique aux être de fiction. Pour cela, on fait appel à la notion de « mondes possibles », et on pose que les êtres fictionnels sont assimilables à des être possibles, ce qui fonde une dénotation fictionnelle non nulle : « On voit le gain qu’une définition sémantique de la fiction peut espérer d’une telle ontologie très généreuse : si la réalité ne se borne pas au monde actuel, mais comporte aussi des mondes possibles, alors les mondes fictionnels eux-mêmes accèdent à une subsistance propre »[30]. Hélas, différentes considérations[31] font que J.M. Schaeffer est amené à douter de la possibilité d’identifier mondes fictionnels et mondes possibles.


En conclusion, l’auteur doit donc constater l’échec de toute définition sémantique de la fiction, ce que résume fort bien quelques lignes d’A. Danto : « Pourquoi – quelle que soit la bonne théorie – devrais-je, en tant que lecteur, avoir le moindre intérêt pour Don Quichotte si le livre se bornait à être au sujet de l’homme filiforme non actualisé, cela dans une région de l’être que je n’aurais aucune raison de connaître en l’absence des interventions de la théorie sémantique, ou s’il était simplement à propos d’un x qui quichottise (étant entendu qu’il n’y en a pas) ou d’un ensemble de mondes possibles autre que le mien ou encore si au niveau de la référence primaire il n’était à propos de rien, mais qu’au niveau secondaire il était sujet d’entités du genre de tel ensemble de gravures de Gustave Doré ? » L’approche sémantique ne saurait donc nous dire pourquoi la fiction a tant d’attrait pour nous, et en cela elle manquerait son objet. C’est donc vers une définition pragmatique que l’on doit se tourner, et J.M. Schaeffer de citer Searle : « il n’y a pas de propriété textuelle, syntaxique ou sémantique qui permette d’identifier un texte comme œuvre de fiction », et seule compte « la posture illocutoire que l’auteur prend par rapport à elle »[32].


Il n’en reste pas moins que la fiction consiste en une modélisation, et que c’est de celle-ci que ressortent ses vertus cognitives. Dans le deuxième chapitre déjà[33], l’auteur distinguait différentes sortes de modélisations, en particulier la modélisation nomologique et la modélisation mimétique. Affinant son analyse, J.M. Schaeffer propose désormais, selon les rubriques – types de modèles ó contraintes cognitives ó mode d’acquisition / réactivation ó exemples - de classer les choses ainsi :

  • modélisation nomologique <> homologie généralisante <> calcul rationnel <> modèles mathématiques

  • modélisation mimétique-homologue <> homologie par réinstanciation <> immersion mimétique <> apprentissage par observation

  • modélisation mimétique-fictionnelle <> analogie globale <> immersion mimétique <> jeux de feintise, rêveries, fictions artistiques…

Cette classification montre assez que du point de vue cognitif, la fiction relève de l’analogie, quand les autres types de modélisation relèvent de l’homologie. Pour expliquer cette distinction entre analogie et homologie, il faut citer le texte[34] : « les conditions d’homologie exigent qu’un des deux pôles possède les propriétés (locales et globales) n’ parce que l’autre possède les propriétés (locales et globales) n. Il n’en va pas de même pour la modélisation fictionnelle. Ses conditions de satisfaction n’exigent pas que la relation entre les propriétés locales d’un modèle fictionnel et ce qu’il modélise soit celle d’une dépendance causale. Pour le dire plus simplement : pour qu’un modèle mimétique puisse avoir une valeur de modélisation fictionnelle, il n’est pas nécessaire qu’il doive les propriétés locales qu’il a au fait que quelque part dans le monde il y a des états de faits qui ont les propriétés qu’ils ont. » D’une certaine manière, il semble donc que l’on revienne ici à la définition de la fiction par la dénotation nulle, mais la notion d’analogie sert cependant à en sauver la fonction d’opérateur cognitif. En effet, si d’une part on pose que la fiction correspond à une dénotation nulle, mais si en même temps on pose qu’elle est une forme de représentation qui, comme telle, obéit aux lois générales de la représentation[35], alors il faut bien conclure que, formellement, la fiction met en jeu des procédures cognitives de modélisation, ce quoiqu’il ne s’agisse point de modéliser telles ou telles choses existantes, mais bien plutôt d’actualiser des structures générales de représentation, celles-là même qui servent aussi à représenter le monde dans une posture de type homologique (et donc référentielle). Tel est le sens de la notion d’analogie, et J.M. Schaeffer d’écrire « Dire que la condition que doit remplir une modélisation fictionnelle est celle de l’analogie globale revient en fait à dire qu’elle doit être telle que nous soyons à même d’y accéder en nous servant des compétences mentales (représentationnelles) qui sont celles dont nous disposons pour nous représenter la réalité (…) ». Il apparaît, dans le même temps, que c’est cette analogie globale entre la fiction et la réalité qui définit la mimésis fictionnelle, et qui, aussi, sert de vecteur d’immersion au niveau pragmatique.

En conclusion[36], la fiction relève bel et bien de compétences cognitives, puisqu’il y va d’une modélisation analogique de la réalité par laquelle le sujet, soit par création, soit par réactivation, se représente un monde en actualisant les structures générales de la représentation. Certes, il ne s’agit pas ici de connaître ceci ou cela, mais bien plutôt d’exercer une faculté active de se représenter les choses. Il y a là une sorte d’exercice cognitif, et pour en revenir au niveau d’une réflexion anthropologique, on ne peut manquer de relever alors l’importance de la fiction chez l’enfant : « (…) ces activités ludiques et imaginatives sont une partie intégrante du développement psychologique de l’enfant et ne nécessitent aucun apprentissage culturel particulier ».


IV Vers une critique de la culture fictionnelle ?


Comme le laissent entendre les dernières lignes citées (note 36), et si l’interprétation de la pensée de J.M. Schaeffer n’est pas ici fautive, les vertus cognitives de la fiction sont pensées par lui comme un exercice d’actualisation de certaines compétences représentationnelles fondamentales. Il est important de noter qu’alors, et cela est dit explicitement, cet exercice ne nécessite « aucun apprentissage culturel particulier ». Le sens de cette affirmation[37], à vrai dire, ne peut être que de poser qu’aucune culture particulière n’a de privilège à revendiquer quant à la mise en place de la possibilité de cet exercice. On pourrait ici faire la comparaison avec le langage, qui est certes une faculté universelle, mais qui ne peut s’actualiser, donc donner lieu à des compétences effectives (par exemple cognitives), qu’au travers de l’apprentissage de telle ou telle langue. Ainsi les langues chinoise, russe ou française constituent une condition suffisante pour que la faculté de langage se développe, mais n’ont, chacune d’elles prise isolément, rien de nécessaire pour que cela soit le cas : il reste indifférent que l’on développe les compétences langagières par la médiation de l’apprentissage du Chinois ou du Russe puisque dans tous les cas on développe les dites compétences. Pourtant, sans tomber dans la controverse du « génie de la langue » (de telle ou telle langue)[38], ne peut-on souligner que certains parlés sont peut-être trop pauvres[39] pour que la faculté langagière s’épanouisse dans toute sa plénitude ? Quand un film, une personne, un cours ou une voiture sont dits « cool », qu’est-ce qui en est pensé ? Sans doute rien que de très vague et indéterminé. Or, si le lexique à disposition est pauvre, le locuteur est condamné à user de tels « mots valises », donc à penser le monde peu et mal, sans nuances, sans précision.

Par analogie, on peut sans doute transférer ces dernières considérations aux fictions prises dans leur diversité. En admettant la thèse des vertus cognitives de la modélisation fictionnelles, on peut donc et sans contradiction se demander s’il n’y aurait pas fiction et fiction, si toutes les fictions se valent du point de vue cognitif lui-même, ou bien s’il n’y aurait pas des « fictions riches » et des « fictions pauvres » : peut-on mettre une pièce de Shakespeare et un épisode de Bugs Bunny sur le même plan ? Ne faut-il pas, au contraire, dire que le dessein animé en question présente un analogon très appauvri de la réalité, donc un univers fictionnel pauvre[40] ? Ne faut-il pas alors se demander si les contraintes cognitives que défend l’auteur ne sont pas ici trop faibles pour être formatrices ? L’enjeu de la question déborde sans doute le propos de J.M. Schaeffer en ce qu’il touche au problème de l’éducation, quand notre auteur ne prétendait défendre la fiction que dans une grande généralité. Il ne peut donc s’agir ici de lui reprocher de n’avoir pas fait ce qu’il ne prétendait pas faire. Néanmoins, rien n’empêche de continuer la réflexion à partir de ce qui est posé dans son Pourquoi la fiction ? L’enjeu de cette réflexion est déjà abordé dans la note 21 (p. 8) du présent travail. Dans cette note, il était fait à J.M. Schaeffer le reproche de ne pas s’attarder sur le contenu des fictions, mais de seulement s’intéresser à une forme générale de la représentation. Pourtant, si par exemple on pose comme lui que la modélisation fictionnelle à des vertus cognitives à l’instar de l’imitation par réinstanciation, et si on remarque que, dans cette dernière, l’imitation des gestes complexes du maître artisan est sans doute plus profitable que celle des gestes simples et stéréotypés de l’ouvrier sur la chaîne, on doit alors conclure deux choses :

  • Le gain cognitif que procure l’imitation se mesure à l’aune de la complexité et de la richesse des mimèmes actualisés, donc du contenu de l’imitation.

  • Si donc, en appliquant mutatis mutandis ce qui vient d’être dit de la réinstanciation homologique à l’analogie fictionnelle, donc en acceptant que le mimème fictionnel n’imite aucune chose en particulier, mais plutôt la forme générale des choses telle qu’elle se donne dans la représentation en général, il faudra cependant encore préciser que cette imitation analogique peut elle-même être plus ou moins riche et complexe selon ce qu’elle représente, donc selon son contenu.

Il faudrait alors en conclure que J.M. Schaeffer aurait tort de distinguer, sans vraiment le dire, forme (cognitive) et contenu (contingent), car la richesse de la forme, donc le gain cognitif, dépendrait pour une large part du contenu phénoménal de la fiction. Par exemple, la complexité des personnages d’une fiction (psychologique, actantielle, linguistique, politique…) ne pourrait absolument pas être mise de côté, et le gain cognitif ne saurait jamais être dissocié de l’univers qui est donné à voir dans la fiction. Il y aurait donc des fictions pauvres et des fictions riches (enrichissantes et formatrices). Peut-être pourrait-on ainsi fonder une critique des œuvres numériques auxquelles il était fait allusion au commencement de ce travail, non pas en se fondant sur une position antimimétique, mais bel et bien en faisant l’éloge de la fiction comme telle et en réprouvant la pauvreté de certaines fictions (ainsi la pauvreté psychologique et actantielle de Lara Croft).

Il faudrait bien distinguer, ici, l’aspect idéologique et l’aspect cognitif. Le premier cherche à imposer une représentation du monde, et, dans un rapport de domination, cette dernière doit aller dans l’intérêt des dominants, c'est-à-dire constituer une légitimation de l’existant dans la pensée même des dominés. Or, une idéologie, aussi spécieuse soit-elle, peut proposer une représentation complexe de la réalité, et ne constitue donc pas nécessairement un attentat contre l’intelligence[41]. Ce qui caractériserait l’idéologie serait, pour parler comme Marcuse, l’unidimensionnalité, la tendance à supprimer la possibilité de penser le réel autrement. De ce point de vue, la fiction serait d’ailleurs, en tant que nourriture pour l’imagination, potentiellement anti-idéologique, ouverture vers d’autres mondes possibles, libération de l’étroitesse d’esprit dictée par l’idéologie[42]. Bien au contraire, il faudrait se désoler de ce goût devenu si commun pour les « histoires vraies », pour la platitude et le refus de l’imaginaire. L’aspect cognitif, quant à lui, pourrait être saisi en reprenant l’analogie avec le langage, et en prenant l’exemple de la célèbre novlangue illustrée par Orwell : une langue qui ne permet pas de penser la réalité, qui n’engendre pas une connaissance fausse (idéologie), mais l’impossibilité de toute connaissance. De même, la fiction pauvre laisserait s’étioler la possibilité même d’imaginer.

Et maintenant, n’est-ce pas là une bonne description des « romans arlequins » dont on sait qu’ils sont produits de manière industrielle à partir d’un canevas unique[43] ? N’est-ce pas un cadre adéquat pour aborder les productions de la Kulturindustrie[44]d’une manière assez objective pour éviter l’apparence souvent arbitraire et conservatrice des analyses de l’école de Francfort ?




[1] Editions du Seuil, collection « poétique », septembre 1999.


[2] République, X, 598 a


[3] République, X, 603 b sq.


[4] p. 50


[5] M. Leiris, La possession et ses aspects théâtraux chez les Ethiopiens de Gondar (cité p. 53)


[6] Poétique, 1448 b


[7] p. 58


[8] par exemple : Métaphysique, 981 a


[9] Poétique, 1451 b


[10] et en conséquence, le mauvais poète est celui qui déforme « la suite naturelle des faits » (Poétique, 1451 b – 1452 a)


[11] Peut-être ce reproche d’anachronisme pourrait-il aussi être fait lorsque, p. 45, l’auteur assimile la philosophie de Platon a une philosophie de la représentation, ce qui semble assez contestable quand il s’agit de la noésis.


[12] p. 59


[13] p. 63


[14] p.80-81


[15] p. 112


[16] p. 118 sq.


[17] Cf. p. 125-127


[18] et ce à l’encontre de l’intention de son auteur.


[19] P. 136


[20] « (…) la pragmatique décrit l’usage que peuvent faire des formules, des interlocuteurs visant à agir les uns sur les autres. Or la sémantique et la syntaxe, qui étudient le noyau même de la langue, doivent être élaborées à l’abri de toute considération pragmatique. » Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, O. Ducrot et T. Todorov, Editions du seuil 1972, p. 423. La distinction entre feintise-leurre et fiction n’est pas, pour J.M. Schaeffer de nature sémantique, mais pragmatique, ce qui veut dire que le producteur veut agir d’une certaine manière sur le récepteur, qui n’est pas la même que celle du menteur (par exemple). Donc, même si les énoncés de l’un et de l’autre sont semblables au point de vue sémantique, la différence se fera à la périphérie du texte, par un contexte pragmatique (en particulier le paratexte).


[21] Cet argument porté contre Platon semble tout à fait discutable, car les poètes auxquels s’en prend Platon pensent-ils leur œuvre en termes de fiction au sens où nous l’entendons aujourd’hui ? Il se pourrait bien que non, il se pourrait bien que dans les consciences d’alors, ces œuvres soient plutôt associées au mythe ou à quelque chose de ce genre. Homère « chante les héros et leurs prouesses », il ne prétend sans doute aucunement à la « fiction », mais bien plutôt à un récit véridique. La différence se ferait ici dans la conception du récit véridique, et on retrouve ce qu’il a été dit plus haut d’Aristote, souvent plus proche de la tradition que Platon : la différence entre le poète et l’historien, le premier étant plus philosophe que le second. D’une certaine manière, Platon et Aristote s’accordent ici sur la prétention à la véridicité des poètes, mais l’un leur reproche cette prétention, l’autre non. J.M. Schaeffer n’est sans doute pas, ici, assez historien, il défendrait contre Platon quelque chose qui n’existait pas du temps de Platon, et que Platon ne pouvait donc critiquer (il serait en revanche intéressant d’examiner qui, de Platon ou d’Aristote, a raison sur les mérites de la poésie, mais telle qu’elle était conçue à l’époque). Il faut encore ajouter que, sans doute, la poésie des anciens prétend aussi donner l’exemple de la vertu à travers celui des héros, d’où encore la critique de Platon, et que cet aspect n’entre guère dans la définition, moderne, que J.M. Schaeffer donne de la fiction, au fond celle d’un univers purement imaginaire qui n’interfère pas avec la vie réelle, mais qui plutôt constitue une parenthèse au sein de cette vie lors de l’immersion fictionnelle, ce quoique cette immersion possède des vertus cognitives au sens où elle actualiserait et exercerait certaines facultés. La fiction semble alors, pour notre auteur, ressortir du simple loisir, encore une fois au sens moderne (où loisir équivaut à divertissement), et ce contre son intention même de la défendre. Elle serait une sorte d’occasion d’actualiser certaines facultés, mais qui n’aurait pas sa fin en elle-même : un pur exercice, un simple moyen. De ce point de vue, on pourrait dire que Platon lui-même semble prendre plus au sérieux la fiction, ou du moins ce que J.M. Schaeffer projette comme fiction sur l’antiquité. On peut ici citer Léo Strauss : « Les Grecs avaient un mot merveilleux pour « vulgarité » ; ils la nommaient apeirokalia, manque d’expérience des belles choses. L’éducation libérale nous donne l’expérience des belles choses » (Le libéralisme antique et moderne, P.U.F. 1990, p.21). Si l’on se souvient que cette citation doit être resituée dans une réflexion sur l’éducation, et sur l’éducation par la pratique des beaux textes (ceux qui donnent l’expérience des « belles choses », i.e. de la vertu), il apparaît que la pensée de J.M. Schaeffer réduit la fiction à une forme cognitive sans se préoccuper aucunement de son contenu. La fiction est alors « éducative » au sens où elle est cognitive, mais se trouve expulsée la possibilité de poser la question de la formation du goût (problème de l’éducation), et donc la question du goût elle-même, et avec elle celle de l’évaluation : « en tant que fiction, une fiction en vaut bien une autre », telle serait la conclusion que l’on pourrait tirer des réflexions de l’auteur (que le problème de l’évaluation, et donc celui de l’éducation, ne soit pas celui qu’il se pose n’empêche pas ici de poser que cela est une carence, en ce que ce problème se pose comme conséquence restée sans examen de son travail, et carence d’autant plus grande que cela suppose l’oubli des préoccupations des interlocuteurs explicites, tels que Platon et Aristote).


[22] P. 155


[23] p. 160


[24] cf. p. 192-193, avec une critique de la notion de « quasi-émotion ».


[25] p. 166


[26] p. 180


[27] Cette distinction entre sens et dénotation est ainsi justifiée par Frege : « Lorsque nous écoutons par exemple un poème épique, ce qui nous fascine, en dehors de l’euphonie verbale, est uniquement le sens des phrases, ainsi que les images ou les sentiments qui sont évoqués par elles. Si on posait la question de la vérité, on laisserait de côté le plaisir esthétique et on se tournerait vers l’observation scientifique. », Ecrits logiques et philosophiques, Editions du Seuil 1971, p. 109 (cité par J.M. Schaeffer p. 201). La réduction de tout sens à la dénotation n’intervient que plus tard, chez Carnap.


[28] Cf. Le dépassement de la métaphysique, dans le Manifeste du cercle de Vienne (1932), Editions avenir, 1985, p. 155-156.


[29] P. 201


[30] p. 205


[31] Cf. p. 207


[32] Sens et expression, Edition de Minuit, 1982, p. 109 (cité par J.M. Schaeffer p. 210).


[33] P. 76-77


[34] p. 217


[35] Cf. plus haut, p. 9


[36] On trouve p. 243 un bon résumé de tout ce qui a été dit pour caractériser la fiction : « Toutes les fictions ont en commun la même structure intentionnelle (celle de la feintise ludique partagée), le même type d’opération (il s’agit d’opérateurs cognitifs mimétiques), les mêmes contraintes cognitives (l’existence d’une relation d’analogie globale entre le modèle et ce qui est modélisé) et le même type d’univers (l’univers fictif est un analogon de ce qui à un titre ou à un autre est considéré comme étant « réel »). »


[37] Cf. p232-233


[38] Ainsi, par exemple chez Heidegger, certaines langues telles que le Grec ou l’Allemand, de par certaines caractéristiques grammaticales ou syntaxiques, seraient plus appropriées à la « pensée ». On peut aussi évoquer l’article de Benveniste sur l’origine grammaticales des catégories d’Aristote.


[39] Pauvreté lexicale, syntaxique…


[40] Il va sans dire que cet analogon peut aussi être enrichi, et que dans ce cas, la fiction dépasse la réalité.


[41] On pourrait ici donner comme exemple le néo-libéralisme et la « science » économique qui le soutient.


[42] Certains lui reprocheraient de n’être qu’un refuge, une forme de fuite devant le réel, et à tort sans doute : la possibilité d’imaginer autre chose ne peut être sans conséquences dans notre rapport au monde tel qu’il est, et ouvre peut-être même la voie à une praxis.


[43] Et que dire de la « littérature jeunesse » ?


[44] Horkheimer et Adorno : La dialectique de la raison.

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