Conservatisme, progressisme et réaction.
- Blaise Buscail
- 16 avr. 2016
- 3 min de lecture
Conservatisme, progressisme et réaction.
Note : Ce court texte m'a été inspiré par la lecture de Le seul et vrai paradis de Christopher Lasch, ouvrage passionnant sur lequel j'aurais à revenir beaucoup plus en profondeur.
Une réaction est le fait d’une chose d’abord passive devant ce qui s’attaque à elle, mais qui ensuite réagit pour s’en défendre. Historiquement, la Réaction fut celle de l’Ancien Régime après 1789, ce en vue d’une restauration. De même, on dira que les Versaillais constituaient une force réactionnaire face à la Commune de Paris. Ainsi, la notion de réaction désigne la défense plus ou moins différée d’un ordre jugé injuste par ceux qui veulent le détruire. Ceux qui s’en prennent à cet ordre préétabli, lieu de domination et d’injustice, sont alors dits progressistes.
Conserver, c’est vouloir garder ce qui était. C’est pourquoi les adjectifs « réactionnaire » et « conservateur » sont souvent pris comme synonymes. Pourtant, si tout ce qui est réactionnaire est conservateur (1), on peut se demander si toute conservation est réactionnaire. A vrai dire, tout dépend de ce que l’on veut conserver. L’histoire étant comme une sorte de balancier, ce qui a été acquis à un moment donné, et considéré comme un progrès, peut ensuite être remis en cause, ce qui sera le fait de la réaction. Dans ces conditions, être conservateur, n’est-ce pas être progressiste ? Sans doute, du moins si la remise en cause ne se fait pas au nom d’un nouveau progrès. Dans ce dernier cas, le conservatisme ne ressort ni de la réaction (sauf s’il défend en fait les intérêts d’un groupe social contre les autres) ni du progressisme, et constitue une notion à part, inhérente à une sorte d’ossification sociale.
Mais l’image du balancier peut s’avérer trompeuse en ce qu’elle pourrait faire concevoir l’histoire ainsi qu’une oscillation autour d’un point fixe, comme s’il n’y avait jamais de changement, de nouveauté, comme si elle était le lieu de l’éternel retour du même. Or ce n’est pas le cas.
Le plus souvent, on considère que les innovations viennent du progressisme, donc que la domination injuste préétablie ne sait que réagir. Mais cela est faux. Par exemple, ce que l’on nomme « post fordisme » est le fait d’un capitalisme qui cherche à se consolider, à se développer dans une nouvelle direction, et qui donc se réinvente. Alors, ce que l’on considère comme une force réactionnaire, paradoxalement (2), prend l’initiative : ce n’est plus de la réaction mais de l’action. Il est encore intéressant de souligner que, par une sorte d’inversion sémantique propre à l’idéologie, cette action se donnera pour progressiste alors même qu’elle tend à aller plus loin dans l’injustice et la domination.
Se pose alors la question de comment ceux qui s’opposent à cela au nom de la justice devront réagir (3). Leur faut-il défendre les acquis, et donc être conservateurs ? Peut-être serait-il plus judicieux de répondre à l’action par l’action, donc d’opposer un progressisme réel à un progressisme apparent. Or cela reviendrait à reprendre l’initiative, à ne pas seulement défendre, mais à attaquer.
C’est tout l’enjeu du syndicalisme aujourd’hui, partagé entre la défense et l’action, cette dernière sous la forme édulcorée de la proposition. Mais la proposition, étant donnés les rapports de force, ne peut jamais être qu’un accompagnement servile de l’action réactionnaire (4). Resterait donc l’option d’un syndicalisme d’attaque, c'est-à-dire d’un syndicalisme révolutionnaire.
Pour finir, la même question se pose aux organisations politiques, et elle appelle sans doute la même réponse.
(1) On verra plus loin que cette assertion est elle-même discutable.
(2) Du moins en apparence.
(3) Quelle ironie !
(4) Sic.
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