La référence aux textes des grands auteurs est nécessaire, on ne pense jamais seul, il faut se confronter à la pensée des autres pour sortir de la certitude immédiate et subjective, qui non seulement est limitée, mais encore constitue une véritable prison. Mais elle peut donner lieu à plusieurs usages, dont l’usage dogmatique. Dans ce dernier cas, ce qui ne devrait être qu’invitation à penser, et repenser, se mue en argument d’autorité.
Pourtant, un texte n’est qu’une matrice d’interprétations, ce qui ne veut pas non plus dire que toute interprétation soit légitime. Ainsi donc, celui qui transforme la citation en argument d’autorité ne fait, dans le fond, que cacher sa propre lecture derrière l’autorité du texte (ce que l’auteur initial n’avait probablement pas désiré). Par ce procédé, qui est le plus souvent inconscient, le texte est condamné à devenir un catéchisme par lequel celui qui l’assène entend imposer sa propre pensée. Il en résulte que la pensée, celle du texte initial comme celle de celui qui le propose, se fige. Le texte n’est plus alors qu’instrument de pouvoir, quand il aurait dû être occasion de réflexion et de discussion, donc d’intelligence collective. Il perd alors tout son pouvoir émancipateur. Il en découle encore que c’est là une matrice de la dictature, quand la lecture ouverte est au contraire d’essence démocratique : celui qui assène le texte se pose comme maître à penser, il ne faut pas douter qu’il se posera bientôt comme maître tout court.
C’est ainsi que même des doctrines qui visent l’émancipation peuvent devenir des outils de domination. On ne peut manquer ici de souligner que c’est le procédé qui a été à l’œuvre dans toutes les religions qui partent d’un texte sacré initial : figer l’interprétation pour qu’elle devienne dogme au service d’une caste. L’exception, peut-être, serait dans le Judaïsme, si du moins on supposait un Talmud infini. Il y a donc des marxistes qui font du marxisme une religion. Il va sans dire qu’ils doivent être combattus. Marx lui-même ne déclarait-il pas n'être pas marxiste ?
Note : Ceux qui procèdent ainsi ont aussi une forte tendance à limiter le corpus des œuvres reconnues, dans le temps surtout. Cela est parfaitement logique : quand il s’agit de figer la pensée, la pensée vivante doit être bannie, elle est désignée comme hérétique. Malheur aux hérétiques, et pire encore en ce qui concerne les hérésiarques !
Les articles ici présentés peuvent être librement diffusés et commentés. Merci, cependant, de ne pas les modifier, et de citer leur auteur et ce blog quand vous les utilisez.
Comentarios